L'origine de sa vocation politique remonte à ses années lycéennes à Bouaké, où elle a pris le flambeau de la présidence du Mouvement des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire (MEECI) après avoir activement soutenu une proche. Sa trajectoire syndicale débuta au sein du Syndicat national des enseignants de Côte d'Ivoire (SYNECI), forgeant son caractère militant. « Le déclic est venu de mon soutien à la grande sœur de son amie au poste de présidente du MEECI dans mon établissement scolaire à Bouaké. Ensuite, quand son mandat est fini, elle a souhaité que je prenne sa place. Après mon BAC, j'entre à l'université », précise-t-elle d’entrée. Les soubresauts politiques de la fin des années 80 marquent un tournant décisif pour Camara. En 1989-1990, dans le sillage du multipartisme et devant le prestigieux du père de la Nation qui était trainé dans la boue, elle fonde le Comité de Rassemblement et de Sensibilisation des Femmes pour le PDCI RDA (CORASEF PDCI RDA), un mouvement soutenant le PDCI et le président Félix Houphouët-Boigny, luttant ainsi contre ce qu'elle percevait comme une injustice contre l’homme qui a permis à la Côte d’Ivoire d’accéder à l’indépendance et de réaliser son premier miracle économique.
Elle gravit ensuite les échelons du au sein du PDCI RDA. Pour l’histoire, Kandia Camara a été la première femme plus jeune membre du Bureau politique. Bien avant, elle a été membre de l'Association des femmes ivoiriennes (AFI) qui était la structure féminine du PDCI. Dans son parcours, la jeune Kandia Camara avait pour mentor Léopoldine Coffie. Elle fut d’ailleurs la directrice de campagne de cette dernière à la présidence de l'Union des femmes du PDCI (UFPDCI). Après l'élection, elle est nommée secrétaire générale de cette organisation. A partir de 1993, son engagement politique va prendre une autre tournure. « Quand je décide de me battre, c’est pour des causes parce que j’ai horreur de l’injustice. Au PDCI RDA, c’est madame Coffie Léopoldine qui nous a présenté le Premier ministre Alassane Ouattara. En son temps, en tant que membres du bureau national de l’UFPDCI, nous avons sillonné la Côte d’Ivoire, nous avons vu ses œuvres et nous avons loué ses œuvres. Nous étions témoins de tout ce qu’il a fait pour aider le président Félix Houphouët Boigny, pour sauver la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens. Je ne pouvais pas accepter que ce monsieur soit vilipendé », a ajouté la présidente du Sénat en guise d’introduction pour aborder son départ du PDCI pour le RDR.
Ainsi donc, émue par le traitement infligé au président Alassane Ouattara par le PDCI dans les années 1993, elle décide de rejoindre le Rassemblement des Républicains, aux côtés de personnalités comme Djeni Kobina, Grah Claire, Diakité Coty Souleymane, Amadou Soumahoro. « Mon engagement en politique est tributaire de ma détestation de l'injustice. C'est d'ailleurs l'injustice du PDCI vis-à-vis du président Alassane Ouattara à partir des années 1993 qui va m’amener à quitter ce parti pour suivre les fondateurs du Rassemblement des Républicains dont notamment », indique-t-elle avec détermination. Son parcours auprès des pionniers du RDR est l’un des meilleurs au sein de cette formation. Son engagement lui vaut d'être élue présidente des Rassemblement des femmes républicaines (RFR) en 1998. Elle fait de cette structure spécialisée une machine politique redoutable pour le combat pour la démocratie. A la tête du RFR de 1998 à 2006, Kandia a vu des vertes et des pas mûres. Auprès des autres cadres du RDR, à la tête des femmes, Kandia a contribué significativement à l’enracinement du RDR et surtout à la conquête du pouvoir.
Après l’élection de 2010 qui a marqué le couronnement de ce riche parcours politique avec la victoire du président Alassane Ouattara, Kandia Camara intègre le gouvernement en qualité de Ministre de l'Education nationale et de l'enseignement technique. Elle occupe ce poste pendant 10 ans avant d'être nommée ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères en avril 2021. Depuis le 12 octobre 2023, elle est présidente du Sénat. Là aussi, Kandia va marquer l’histoire par la volonté du président de la République en devenant la première femme ministre des Affaires étrangères et la première femme présidente du Sénat.
A la tête de cette institution, Kandia Camara apporte une touche distinctive à la Chambre haute du parlement : Sur les six vice-présidents du Sénat, quatre sont des femmes. Son engagement ne requiert pas de titre présidentiel ; elle se définit par sa lutte pour les causes justes. Sa vision pour l'avenir est celle d'une Côte d'Ivoire où les femmes sont omniprésentes dans tous les secteurs, une vision étayée par l'accès croissant des filles à l'éducation. Les valeurs de justice, d'égalité et de loyauté sont les piliers de son action.
Elle souligne l'importance du président Alassane Ouattara dans la promotion des femmes, rappelant qu'elle a été la première femme à occuper des postes clés au sein du gouvernement, notamment le ministère de l'Éducation nationale, le ministère des Affaires étrangères, et maintenant le Sénat. Face aux femmes de la promotion de l'Institut, elle lance un appel à l'audace et à l'engagement. Elle les exhorte à ne pas se dérober face aux opportunités, à être excellentes dans leurs domaines et à valoriser leur savoir. Pour Kandia Camara, il n'existe pas de "zone rouge" pour les femmes ; toutes les sphères sont à conquérir. « Je vous encourage à plus de volonté. Je demande aux femmes d'être audacieuses. Pas dans le sens négatif. Audace en terme de volonté et d'engagement. Il faut oser ! Le problème des femmes, c'est qu'elles se dérobent. Là où on refuse les hommes au profit des femmes, on les cherche souvent sans les avoir. Je me bats pour être excellente dans mon domaine parce que je n'aime pas l'échec ».
La présidente du Sénat demeure un modèle pour de nombreuses Ivoiriennes. Sa détermination et sa vision pour l'égalité et la représentation des femmes en politique continuent de transformer le paysage politique de la Côte d'Ivoire, ouvrant la voie à de futures générations de femmes leaders.
Yacouba DOUMBIA